Réponse observation N°12-05

VOTRE REPONSE A BIEN ETE ENREGISTREE


- L’hypothèse la plus probable concernant Mr B..F.. est une diarrhée à Clostridium difficile. Si les entéropathogènes à rechercher sont les entéropathogènes classiquement recherchés dans une coproculture (Salmonella, Yersinia, Campylobacter), il faut rajouter la recherche de C. difficile, recherche ciblée dans le cas de diarrhée nosocomiale et/ou associée à la prise d’antibiotique. La recherche des toxines est essentielle

  

Définition : Clostridium difficile est un bacille à Gram positif, anaérobie, sporulé, qui a été identifié chez des nouveau-nés par Hall et O’Toole en 1935. Initialement, cette bactérie a été considérée comme un commensal de l’homme, et ce jusqu’aux années 70 où un lien entre cette bactérie et les colites pseudomembraneuses (CPM) a été établi. Depuis, il est reconnu que C. difficile est le principal entéropathogène impliqué dans les diarrhées nosocomiales bactériennes chez l’adulte. Il est également responsable de 15 à 25 % des diarrhées post-antibiotiques et de plus de 95 % des cas de colites pseudomembraneuses.

Physiopathologie : Les spores de C. difficile d’origine endogène ou exogène colonisent le tube digestif de l’hôte grâce à la perturbation du microbiote intestinal de barrière suite à un traitement antibiotique (Figure 1). Cette étape fait intervenir différents facteurs de colonisation dont des adhésines, des flagellines et des enzymes protéolytiques. Cette colonisation peut être suivie de la production par des souches toxinogènes de deux toxines A et B, responsables des diarrhées associées aux antibiotiques ou de colite pseudomembraneuse. Chez certains patients cette colonisation reste asymptomatique avec ou sans production de toxines in situ. Par ailleurs, certaines souches de C. difficile synthétisent, en plus, une autre toxine, la toxine CDT, appelée toxine binaire dont le rôle dans la virulence n’est pas élucidé.

Physiopathologie de l’infection à C. difficile

- Diagnostic :

NB: on peut proposer en test initial, la recherche de glutamate déhydrogénase (GDH) qui a une bonne valeur prédictive négative.

La recherche de C. difficile peut s’effectuer:
- soit par culture sur milieu sélectif (milieu pour C. difficile = gélose Columbia, enrichie en sang et rendue sélective par l’addition de 2 antibiotiques : la céfoxitine (peut être remplacée par le céfotaxime) et la cyclosérine,
- soit par la recherche des toxines A et B (test immuno-enzymatique, test de cytotoxicité des selles, PCR des gènes de toxines dans les selles) (Figure ci-dessous). Cette recherche de toxines peut aussi s’effectuer sur les colonies isolées sur le milieu sélectif (culture toxigénique).

Tests de mise en évidence de production des toxines A et B de C. difficile



- L’intérêt des tests immuno-enzymatiques est la mise en évidence de la production de toxines in situ et la rapidité de la réponse. Ces tests sont spécifiques, mais leur sensibilité faible est responsable de faux négatifs. La culture permet l’isolement des souches et si nécessaire, leur typage. L’isolement de souches productrices de toxines permet de suspecter fortement une ICD, mais le portage de souches toxinogènes est possible. 

- La sérologie n’apporte rien.

- Enfin les différentes approches diagnostiques sont résumées ci-dessous :


Identification de la bactérie :

- Sur milieu sélectif, les colonies de C difficile sont des colonies au contour irrégulier, plates, grisâtres. Elles dégagent une odeur caractéristique de crottin de cheval ou ménagerie, permettant de suspecter la présence de C. difficile. Enfin elles ont un aspect caractéristique en verre fritté à l’observation à la loupe binoculaire similaires à celles de Legionella.


- Examen microscopique : C. difficile est un bacille à Gram-positif long et mince. Les spores sont non déformantes et subterminales. Attention sur le milieu sélectif, il apparaît la plupart du temps, non sporulé, en effet, les antibiotiques inhibent la sporulation.  


- ID biochimique :
L’identification peut être obtenue par une galerie enzymatique type RAPID ID 32A ou équivalent. C difficile possède 3 enzymes caractéristiques : la Glutamante DéHydrogénase (GDH), une Proline Arylamidase (ProA) et une Leucine arylamidase (LeuA). Les autres caractères sont négatifs.Cependant en microgalerie, le leucine arylamidase est inconstamment positive, ne permettant pas l’identification de C difficile. Cette enzyme peut être détectée facilement en macrométhode (pastille LEU A, Diagnostic tablets ROSCOâ, distribué par Eurobio).

Attention, n'ensemencer une galerie enzymatique que s’il y a un nombre suffisant de colonies permettant d’avoir un inoculum correct (échelle 4 à 5 de Mc Farland). Sinon effectuer une subculture.


- La culture toxigénique (= recherche de la présence de toxines après culture de 48h en bouillon) doit être pratiquée si la recherche de toxine sur la selle n’a pas été pratiquée ou si celle-ci a été négative.  


- L’antibiogramme a peu d’intérêt, les rechutes de diarrhée à C. difficile étant fréquentes (20 % dans les huit semaines) mais non dues à un échec bactériologique (sensibilité constante au métronidazole et à la vancomycine). Cependant, il est fréquemment pratiqué pour la surveillance épidémiologique de souches, mais surtout pour mettre en évidence une éventuelle résistance à la moxifloxacine, ce qui serait une suspicion de souche hypervirulente appartenant au PCR ribotype 027. Dans ce cas, la souche doit être envoyée au CNR si elle est associée à une ICD sévère.


- Le traitement de la pneumopathie de ce malade doit être modifié en remplaçant le céfotaxime par l’amoxicilline, dont le spectre est plus étroit respectant mieux le microbiote intestinal. En outre, le patient sera traité par du métronidazole per os (la vancomycine n’est pas préconisée en première intention). Enfin la coproculture de contrôle n’a pas d’intérêt : une forte proportion de patients reste colonisée après guérison, le critère de guérison est donc clinique


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Compléments d’information

Les infections à C. difficile
C.difficile qui peut être présent dans le tube digestif de l’homme adulte en bonne santé avec une fréquence pouvant atteindre 3 % est le 1er agent de diarrhée nosocomiale. Depuis 2003, a été constaté d’abord aux Etats-Unis et au Canada une augmentation de l’incidence des ICD, liée en particulier à l’émergence et à la dissémination rapide sous forme épidémique d’un clone particulièrement virulent, dénommé 027 en référence à son profil par PCR-ribotypage. Cette souche 027 a diffusé dès 2005 en Europe, à l’origine d’épidémies dans plusieurs pays. Depuis, cette souche 027 est régulièrement isolée en France. Elle a été à l’origine d’une situation épidémique dans la région Nord-Pas de Calais en 2006-2007.

 Nombre de souches de C. difficile caractérisées par le CNR et proportion de souches épidémiques 027, par région d’origine, France, Janvier 2009 à juin 2009 (N=314 ) (In BEH)


La colonisation par C. difficile peut être asymptomatique ou symptomatique. Environ 3 % des adultes sains et 5 à 70 % des nouveau-nés sont porteurs asymptomatiques de C. difficile dont moins de 1 % pour les adultes et 5 à 63% pour les nouveau-nés sont porteurs de souches toxinogènes.

Les formes cliniques des infections à C. difficile (ICD) sont variées. Elles vont d’une simple diarrhée à la colite pseudomembraneuse parfois mortelle. Les ICD surviennent généralement suite à un traitement antibiotique qui va déstabiliser le microbiote intestinal et favoriser l’implantation et la prolifération de C. difficile. L’infection peut alors se manifester sous forme de diarrhées plutôt modérées au cours du traitement antibiotique ou longtemps après son arrêt, parfois plusieurs mois. L’infection peut également se manifester sous forme de colite ou de colite pseudomembraneuse qui est une forme plus grave caractérisée par des lésions caractéristiques en forme de plaques jaunâtres (pseudomembranes). Des perforations coliques, un mégacôlon, un iléus peuvent être plus rarement observés. Les infections par C. difficile sont mortelles dans environ 6% des cas avec une augmentation significative depuis l’an 2000.

Les infections à C. difficile ne se limitent pas au côlon. De rares cas de manifestations extra-coliques ont été décrits. Ces cas font généralement suite à une colite à C. difficile ou à une rupture anatomique ou chirurgicale du côlon et ce même en l’absence de traitement antibiotique préalable. C. difficile peut également provoquer des arthrites réactionnelles qui touchent en général les articulations des membres inférieurs.

Les facteurs de risque des ICD sont nombreux
Le principal facteur est la prise d’antibiotiques. Dans les années 70, la clindamycine représentait le plus haut facteur de risque pour les infections à C. difficile ; mais la diminution de la fréquence de son utilisation par la suite a permis de minimiser les risques d’infections qui lui étaient associés. A la fin des années 80 et au début des années 90, les béta-lactamines et les céphalosporines, surtout celles de la 3ème génération, sont devenues les antibiotiques les plus à risque. Plus récemment, ce sont les fluoroquinolones à large spectre qui ont été associées aux risques d’ICD. Tous les antibiotiques peuvent induire des infections à C. difficile, y compris la vancomycine et le métronidazole, les deux antibiotiques préconisés pour le traitement des ICD. La durée du traitement antibiotique, ainsi que l’association de différents antibiotiques, semblent jouer un rôle important.

Le risque d’ICD a également été relié au traitement par les anti-acides, en particulier les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP).

Un autre facteur de risque est l’âge. Les personnes âgées, surtout de plus de 65 ans, sont une population à risque d’infection à C. difficile. Cette prédisposition pourrait être due à la diminution de la réponse immunitaire, à des pathologies sous-jacentes plus sévères, des traitements antibiotiques fréquents, des hospitalisations fréquentes, ainsi qu’à la modification de l’écosystème digestif. La mortalité est d’autant plus élevée que l’âge est plus élevé.

D’autres facteurs de risque d’ICD liés à l’hôte ont été décrits comme la gravité de la pathologie sous-jacente, les antécédents de chirurgie digestive ou de maladies inflammatoires intestinales, les transplantations et la chimiothérapie.

L’acquisition de C. difficile est favorisée par la promiscuité avec des patients porteurs ou par contact avec le personnel soignant ou l’environnement hospitalier. Des hospitalisations prolongées ou répétées, l’admission dans certains services hospitaliers où les soins intensifs sont autant de facteurs qui peuvent augmenter le risque d’infection. Cela est dû à la persistance  et la dissémination des spores de C. difficile, en plus de la fragilité des personnes hospitalisées et du recours fréquent aux antibiotiques. L’hygiène des mains, des locaux et du matériel est un des moyens de prévention des ICD.

Un des aspects caractéristiques de ces infections est le taux élevé de récidives. Quinze à 25 % des patients traités rechutent après un traitement efficace de l’infection. Ces récidives se manifestent par une soudaine réapparition de la diarrhée et autre symptômes, après un traitement à la vancomycine ou au métronidazole. Un patient qui présente une première récidive a davantage de risque de faire des récidives ultérieures. Ces récidives ne sont pas dues à une résistance de C. difficile aux antibiotiques, mais seraient plutôt dues à une rechute due à la même souche, probablement via la persistance des spores, ou à une réinfection par une autre souche exogène.

Pathogenèse
Des lésions observées lors des ICD sont reliées à la production de 2 toxines agissant en synergie. Les gènes codant ces toxines sont dans un ilot de pathogénicité dénommé Paloc.

 Ilot de pathogénicité PaLoc (taille 19,6 Kb)

Certaines souches produisent en plus, une toxine binaire, dont les gènes ne se trouvent pas sur l’ilot Paloc, et donc le rôle dans la pathogénicité n’est pas connu.

Diagnostic
Le diagnostic des ICD repose soit sur l’isolement d’une souche toxinogène soit sur la mise en évidence de toxines dans les selles diarrhéiques.

La méthode de référence pour la mise en évidence des toxines est l’étude de l’effet cytopathogène d’un filtrat de selles sur culture cellulaire. C’est une méthode longue (24 – 48 h) et nécessitant une infrastructure adaptée (culture de cellules). Cependant, cette méthode est spécifique et plus sensible que les tests immuno-enzymatiques. Ces derniers tests permettent la détection de la toxine A ou des toxines A et B simultanément. Il est recommandé d’effectuer la mise en évidence des deux toxines en raison de l’émergence de souches ne produisant que la toxine B. L’intérêt de ces tests immuno-enzymatiques est la rapidité de la réponse, mais leur sensibilité est faible (70 – 80%).

La culture toxigénique associe culture et détection de toxines par la souche isolée. Cette méthode est longue et peu spécifique (dépistage possible de porteurs asymptomatiques). Mais elle permet l’isolement de la souche et son typage.

Enfin, la mise en évidence, dans les selles, d’une enzyme spécifique de C. difficile, la glutamate déhydrogénase (GDH) est intéressant en test de dépistage avec une excellente valeur prédictive négative. Des techniques faisant appel à la PCR en temps réel se développent actuellement. Elles sont une alternative intéressante par leur rapidité et leur excellente sensibilité. Mais ne permettent pas de faire la différence entre une infection et un portage asymptômatique (détection du gène codant la (ou les) toxines, et non de la (les) protéine(s).

Algorithme de diagnostic


D’après Crobach, Clin Microbiol Infect, 2009

- Traitement
L’arrêt du traitement antibiotique ou sa substitution par un autre antibiotique à moindre risque sont les premières mesures à mettre en place en cas d’ICD.

Si les symptômes cliniques persistent ou si l’antibiotique en cause ne peut être arrêté ou modifié il est  recommandé de prescrire du métronidazole ou de la vancomycine per os. Le métronidazole est choisi en 1ère intention en raison de son faible coût, mais surtout en raison de l’absence de risque de sélection d’entérocoques résistants à la vancomycine. Cependant, le traitement par la vancomycine per os est mieux adapté et le plus efficace en cas d’ICD sévère.

Ces deux antibiotiques sont toutefois inactifs en cas de complications (iléus ou mégacôlon toxique) et le risque de rechutes après arrêt de l’antibiothérapie, plus élevé avec le métronidazole. D’autres antibiotiques (rifampicine, bacitricine, rifaximine, nitazoxanide et acide fusidique) ont été testés pour le traitement des ICD et semblent avoir plus ou moins la même efficacité que le métronidazole et la vancomycine. La tigécycline et surtout la fidaxomicine ont également donné des résultats prometteurs, surtout dans le traitement des ICD réfractaires. Les intérêts de la fidaxomicine sont sa spécificité sur les bactéries à Gram positif tout en préservant l’activité du microbiote intestinal, sa forte concentration dans les selles après administration orale (non absorption) et son action régulatrice négative sur la sporulation et la production des toxines.

Les cas de récidives sont plus difficiles à traiter et il n’existe actuellement aucun consensus les concernant. En général, le métronidazole est re-prescrit en cas de première rechute, à moins que le patient ne souffre d’infection sévère. La vancomycine est alors prescrite ou re-prescrite à des doses variables pendant environ six semaines. D’autres traitements ont été également testés avec plus ou moins de succès tels la rifaximine prescrite suite à un traitement à la vancomycine ou l’emploi de fidaxomicine.

L’utilisation de probiotiques (principalement Saccharomyces boulardii) a été également testée. C’est cependant une approche discutée. Une approche intéressante pourrait être la reconstitution du microbiote de barrière par la transplantation fécale qui a montré de très bons résultats.

Signalement
Les ICD doivent être signalées en cas d’infections sévères. En outre, les suspicions d’ICD avec le ribotype 027 doivent conduire à l’envoi de la souche au Centre National de Référence (CNR) des anaérobies (Institut Pasteur de Paris).

Signalement des ICD


POUR EN SAVOIR PLUS:

http://www.invs.sante.fr/surveillance/icd/index.htm


Document 1



Document 2



Document 3


Nos remerciements s'adressent au Professeur M-J BUTEL et JL PONS (Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques - Paris) pour avoir préparé cette observation clinique.


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